samedi 21 août 2021

On comptera les bouses à la fin de la foire


Très belle journée de navigation "champagne" ensoleillée hier sur un seul bord sud-ouest au début, à bonne allure vent de travers équipés de notre code 5 favori. Puis inflexion vers l'ouest et au près (angle du bateau avec le vent le plus faible et bateau à la gite) sous foc J3 au près vers la fin d'après midi en direction du front froid. Agréable au début sur une mer plate et un vent de 15-20 noeuds, moins ensuite lorsque le vent s'est renforcé en début de nuit à 25 noeuds avec une pointe à 32.
Cette partie là qui a duré 3 heures a été assez sportive et fatiguante pour les organismes avec une mer qui s'est progressivement formée et a bien arrosé le pont, normal, mais aussi la cabine, moins normal, du fait d'une fuite qui a probablement mis hors service notre écran d'ordinateur.
Heureusement, Henri a prévu des back-up en quantité, et comme Sailgrib fonctionne sur tous les téléphones, ordinateurs portables et tablettes, en nombre sur le bateau pas de conséquences à ce stade, juste un peu moins pratique ou confortable.
Donc belle baston puis passage du front (masse d'air froid dépressionnaire qui vient s'enfoncer dans une haute pression plus chaude, avec renforcement du vent dans un premier temps puis basculement vers le nord et affaiblissement) qui nous permet de virer de bord vers minuit direction le sud-ouest à nouveau sur notre route directe.
Grosse baisse de vent toute la nuit à moins de 10 noeuds, calme, ce qui permet de se reposer mais nous avançons moins vite...
Au global, bilan positif car nous avons bien fait marcher le bateau avec les bonnes voiles pour les vents et les allures rencontrées, pas de pépin majeur, bien mangé, apéro au soleil et le classement qui se maintient à un très bon niveau.
A ce stade, que du bonheur !
Ceci dit, c'est une course, et même si on se fait plaisir, vous aurez probablement compris qu'on est assez loin du concept de "la croisière s'amuse"! L'esprit de compétition reste présent et il suffit d'un rien pour se prendre au jeu lorsque les circonstances favorables se présentent.
Justement, jusqu'à présent ça se passe plutôt bien pour nous.
La traversée de la dorsale anti-cyclonique s'est plutôt bien négociée et les options prises au gré des bascules de vent s'avèrent plutôt favorables à ce stade, reste à bien gérer le contournement en cours du cap finistère...
Nous avons choisi l'option ouest comme la plupart de la flotte; cette option rallonge la route mais permet d'éviter une zone de calme à venir près de la cote espagnole. Les rares bateau à avoir choisi l'option est près de la cote sont en tête du classement mais ont probablement mangé leur pain blanc: si les fichier météo se confirment ils risquent d'être très ralentis dans les 2 jours à venir et laisser passer les bateaux ayant choisi l'option ouest.
Les copies d'écran en illustration vous montrent la position de la flotte et Sailgrib plutôt à l'ouest.
La zone en rouge est une zone de navigation interdite dite DST (dispositif de séparation de traffic) pour canaliser les flux cargo de cette zone de traffic maritime importante, analogue au rail d'Ouessant.
L'option ouest nous fera prendre la DST par l'extérieur, alors que quelques bateaux dont ceux de tête s'apprêtent à la prendre par l'intérieur route plus directe mais risquée du point de vue météo et calmes.
Et pour finir sur la partie compet avant de rebasculer sur des affaires moins sérieuses, parlons un peu classement.
Le classement donné par le site Transquadra est un classement temps réel.
Le classement final de la course prendra en compte un temps dit "compensé".
Le principe de cette "compensation" est de mettre tous les bateaux à égalité, les petits, les grands, pénaliser aussi les équipements plus efficaces comme le carbone ou les options supplémentaires choisies comme les spis ou focs supplémentaires. L'organisme mondial de course au large, l'IRC a défini un système de coéfficients qui pondère tout cela avec des ratings attribués à chaque bateau en fonction de l'équipement en début de course.
C'est un moyen d'éviter la surenchères de budget et de mieux prendre en compte les capacités tactiques et de manoeuvre propres à l'équipage.
Exemple:
- Coeur de chauffe qui est un Sunfast 3200 plutôt plus petit que la moyenne de la flotte et un peu moins bien équipé a un rating de 0,985
- Ose le sunfast 3600 de nos amis de la Rochelle qui est le plus grand bateau de la flotte a un rating autour de 1,04
A la fin de la foire, euh... de la course, le temps de Coeur de chauffe sera multiplié par 0,985 et celui de Ose par 1,04, la différence de correction équivalent à 8,5h ou 60 miles environ.
Au classement de ce matin, à environ 1/3 de la course, cela équivaut à 20 miles d'écart donc avantage à Ose qui conserve 9 miles d'avance sur les 29 données au classement.
Programme à venir: après le passage du cap Finistère, les positions seront probablement établies, les renversements tactiques terminés.
Place au surf sous spi et à la gestion de la vitesse et du pilote par l'équipage.
Si le vent dépasse les 25 noeuds ce sera sportif et les différences peuvent se faire sur le physique et l'endurance ainsi que la qualité du pilote automatique pour gérer la stabilité des trajectoires surtout la nuit.
L'entente de l'équipage, un bon rythme de sommeil et l'alimentation sont aussi des facteurs essentiels. Quand la fatigue et les egos prennent le dessus, la perte de lucidité et le manque de prise de recul fait prendre de mauvaises décisions.
A suivre donc, dans 2 jours on y sera
Henri et Loïc pour Coeur de Chauffe


vendredi 20 août 2021

Molles, dauphins, baleine et arme fatale


On vous l'avait dit ! Comme prévu, la météo fut molle et la navigation d'hier nuit et jour remplie de plein de molles: ces calmes plats imprévisibles qui usent les nerfs du marin en course, toujours à se demander s'il n'est pas le seul à se trouver scotché dans une calemasse pendant que ses petits cammarades gambadent et surfent dans la brise... Et oui, le marin en course est un grand psychoteur, toujours à l'affut de la moindre tuile qui pourrait lui tomber sur la tête, à défaut du ciel qui ne lui sert que de sombre présage pour sa météo.
Et pour l'aider à ruminer sa misère, il dispose d'un tas d'outils très sophistiqués qui finissent toujours par le convaincre qu'il avait raison de stresser: "bien sûr, je l'savais, je vous l'avais dit ! Depuis le débuuuut !!!!!"
Parmi ces outils d'aide au stress en course, l'un d'entre eux prévu initialement pour la sécurité fait l'objet d'un drole de détournement: le fameux AIS (Automtic Identification System pour les intimes, dont font partie nos amis et collègues du mondes des avions... d'ailleurs je pense à eux presque tous les jours surtout ceux qui bossent au Maroc pendant que je m'amuse sur l'eau...)
Détournement donc ? Et oui car ce système anti-collision concu pour émettre un signal reçu par tous les navires sur mer ou avions dans les airs qui naviguent ou volent à proximité communique aussi la vitesse de l'émetteur... En régate, c'est très pratique pour savoir comment avancent les copains à proximité et donc particulièrement dans les molles où les phénomènes très locaux liés aux nuages jouent avec les nerfs de nos compétiteurs stréssés qui en appellent aux divinités célestes pour venir s'occuper de leur jeux de cours d'école sur l'eau: "Milles sabord, mais pourquoi ces foutus nuages s'arrêtent-t-ils toujours sur nous, regardes Loïc, tous les autres se barrent pendant que nous on reste scotchés là comme des c..."
Bref, c'est vraiment pénible les molles en navigation mais bon, quelquefois on a de bonnes surprises et on verra plus tard qu'à l'inverse, quand on déboule à pleine vitesse, le marin fier de lui a aussi souvent l'impression d'avoir été le seul à accomplir un tel exploit... Du coup dans la tête du marin en compétition, tenaillé entre son psychoteur caliméro et son fier à bras popeye, c'est souvent un drole et sacré chantier...
Heureusement, pour retrouver son équilibre et oublier son stress, de temps en temps notre marin en course profite des surprises que dame nature veut bien lui offrir: comme les oiseaux sont rares au large et que le gibier de nos campagnes ne nage pas jusque là sans brassière, il lui reste ce qui vit sous la mer: hélas, en course, la plongée sous-marine reste une occupation limitée au ponton pour le nettoyage des carènes... Pour le large il ne reste que 3 diversions: les poissons volants, les dauphins et les baleines... et une 4ème que je garde pour la suite lorsque nous longerons les cotes portuguaises.
Je passe sur les poissons volant qui viennent de temps en temps s'écraser d'un petit splash sur le pont... Communication difficile avec cette espèces, juste la petite émotion d'un possible friture pour marin très affamé...
En revanche, la rencontre du dauphin, quoique banale sous nos lattitudes reste un moment si particulier qu'il ne laisse jamais indifférent: incroyable être marin de compagnie qui se déplace en bande, recherche la présence de l'être humain et joue avec lui selon son humeur et celle de celui qu'il rencontre... Moments sympathiques quasi-quotidiens dont on ne se lasse jamais, émouvants parfois tant la communication parait possible avec cette espèce, ce que nous avons vécu avant-hier avec de petits gabarits au large de Groix , hier avec une troupe très nombreuse de tailles conséquentes en plein milieu du Golfe de Gascogne.
Enfin, heureusement rare mais impressionnante, la baleine aime bien venir taquiner le marin en course de temps en temps et les souvenirs ne sont pas toujours très bons: on se rappelle d'un concurrent de notre Transquadra précédente il y a 10 ans dont le bateau avait été percuté par une baleine en plein milieu de l'atlantique, bilan: chute du skipper solitaire sur le pont et fracture du coccis, le dernier millier de miles a été long et douloureux... Anecdote improbable: son bateau s'appelait la baleine blanche et un joli dessin de baleine ornait les 2 flancs de sa coque !
Quant à nous hier, celle que nous avons rencontré est sortie de l'eau à 30 m du bateau, impressionnante et magnifique, elle a replongé immédiatement. Juste le temps de virer de bord pour s'en éloigner car nous avions cette drole d'histoire en tête et donc pas vraiment motivés pour tenter de lui faire causette !
Pour revenir à la course, la première moitié de la nuit nous a vu continuer comme toute la journée à nous débattre avec les molles jusqu'à la bonne surprise du milieu de nuit vers 2H du matin où un bon vent de 12 à 20 noeuds bien orienté par l'arrière de notre cap sud-ouest s'est levé soudainement sans avoir été vraiment prévu par nos fichiers météo. Du coup, on a sorti notre arme fatale habituelle: le fameux et légendaire "code 5" de Coeur de Chauffe. Avant notre première transat, cette voile supposée magique achetée à grand frais au sorcier Incidence de La Rochelle n'avait jamais servi, ou presque: jamais trouvé les bonnes conditions, aussitot sorti, aussitot rentré parceque trop de vent, pas assez, pas le bon angle, bref, une belle arme très chère à entretenir qui se laisse désirer sans jamais se donner (note d'Henri: toute ressemblance avec un autre type d'arme fatale existante ou ayant existé est bien évidemment totalement fortuite)...
La première véritable utilisation fut la bonne lors de la première transat en traversant le golfe de Gascogne: une nuit complète à poste et il nous avait permis de passer en bonne position le passage à niveau du cap Finistère ! Du coup depuis, on sait s'en servir et ce fut le cas cette nuit et ce matin et dans le même contexte: conditions idéales 12-20 noeuds de vent et 90-110 degré du vent. Sur une mer plate, il nous a emmené Coeur de Chauffe à grande vitesse touute la nuit et permis de rattrapper les dégats des calmes de la veille, ouf !
Fin de l'histoire à suivre sur le long bord de reaching qui va nous mener au Cap Finistère et son fameux passage à niveau: la garder le plus longtemps possible avec un angle de vent réduit pour tout le monde peut faire une différence...
Loïc et Henri pour Coeur de Chauffe

Illustration de l'arme fatale, le Code 5.

 


jeudi 19 août 2021

Coeur de Chauffe/Sailgrib vous souhaite une bonne soirée ⛵🌅

 


PREMIÈRES NOUVELLES DE NOS MARINS


Bon départ et première nuit
Ça y est, c'est parti !
Un peu d'émotion évidemment comme toujours au départ du ponton et en longeant la jetée , beaucoup d'encouragements et le patchwork des regards qui nous accompagnent et partagent avec nous le plaisir de partir en mer.
Nous prenons, un très bon départ au près sur la ligne, 15 noeuds de vent, peu de mer sur ce plan d'eau protégé de la houle par l'Ile de Groix qui fait face à Lorient.
Peu de stress cette fois-ci, l'équipage et le bateau se sentent prêt pour l'essentiel malgré les perturbations des 3 derniers mois qui ne nous ont pas permis de naviguer ensemble depuis avril... Henri a assuré la préparation, comme d'habitude et Loïc s'est pointé en touriste au dernier moment mais en confiance, un peu comme d'habitude aussi...
Après une vingtaine de bords de "tricotage" pour aller chercher des risées au plus près des cotes de Groix, Coeur de Chauffe vire en position correcte à la pointe de l'île, direction le cap Finistère qui fait l'angle nord-ouest de la péninsule ibérique pour s'attaquer à la traversée du fameux golfe de Gascogne qui réserve toujours son lot de surprise aux navigateurs de l'Atlantique Ouest.
Pour cette fois, ce sera calme: la météo prévoit l'avancée dans le golfe d'une dorsale anti-cyclonique qui va barrer la route de la flotte dès le 2ème jour de navigation; tout l'enjeu de la stratégie de routage sera d'éviter de rester englué dans cette zone de calme sans trop se rallonger la route par l'ouest qui est l'option la plus sûre pour ne pas y rester piégé.
Avis aux amateurs de Virtual Regata: vous avez la possibilité de courir en virtuel avec nous sur le fameux site qui accompagne le Vendée Globe et autres courses transatlantique passées à la postérité, c'est une première pour la Transquadra, allez y mais de suite car ça va être intéressant et tout va probablement se jouer dans les 3 premiers jours; et vous aurez le plaisir d'utiliser les algorithmes de routage météo Sailgrib qu'Henri a conçu pour Virtual Regatta et qui sont les mêmes que ceux que nous utilisons à bord pour échafauder nos plans et notre stratégie de navigation.
D'où le nom du bateau sur cette course, Sailgrib au lieu de Coeur de Chauffe, comme le nom du logiciel de routage et transaction météo qu'Henri a développé avec succès suite à notre première transat il y a 10 ans: on n'est jamais mieux servi que par soi-même et depuis quelques années, petit à petit en partant de zéro, Henri et son logiciel se sont construit une sacrée réputation sur les pontons ! Il suffisait de venir à Lorient ces derniers jours pour le constater! Pour vous dire, même Loïc qui débarque en touriste maitrise l'affaire et devient en un spécialiste en 2 jours, simple et facile pour traiter un sujet très complexe, bravo l'artiste !
Pour revenir à notre aventure, nous nous sommes lancés dans cette première nuit de navigation sur une route conservatrice proche de la route directe qui nous permettrait de retarder le choix de l'option entre route directe et route ouest plus longue mais sans risque, en attendant un dernier fichier météo de décision jeudi matin.
Nous avons la possibilité de disposer jusqu'à 4 fichiers météo par jour que nous chargeons dans notre application grace à un liaison satellite Iridum qui est un des rares réseaux à couvrir l'ensemble du globe.
Il existe plusieurs sources de prévisions: française, européennes, allemande, américaine, chacune avec leurs forces et faiblesses, la décision finale est souvent un mélange de rationnel entre des propositions parfois contradictoires et une part d'intuition ou de pragmatisme incorporant une dose d'expérience et de connaissances générales des phénomènes météo.
Bref, un logiciel ne suffit pas.
Et après une bonne nuit partagée en 2 relais de 4 heures, Henri début de nuit, Loïc la fin, nous nous retrouvons dans une position tactique plutôt satisfaisante selon les derniers fichiers reçus ce matin...
A suivre donc car la situation est encore très incertaine et les retournements surprises seront de la partie, sans parler de la qualité des manoeuvres et des différences qui se font sur une maladresse idiote ou une erreur d'inattention créée par la fatigue.
Suspens intenable à venir donc, ne manquez rien, il va y avoir du sport !
Loïc et Henri pour Coeur de Chauffe/Sailgrib