vendredi 20 août 2021

Molles, dauphins, baleine et arme fatale


On vous l'avait dit ! Comme prévu, la météo fut molle et la navigation d'hier nuit et jour remplie de plein de molles: ces calmes plats imprévisibles qui usent les nerfs du marin en course, toujours à se demander s'il n'est pas le seul à se trouver scotché dans une calemasse pendant que ses petits cammarades gambadent et surfent dans la brise... Et oui, le marin en course est un grand psychoteur, toujours à l'affut de la moindre tuile qui pourrait lui tomber sur la tête, à défaut du ciel qui ne lui sert que de sombre présage pour sa météo.
Et pour l'aider à ruminer sa misère, il dispose d'un tas d'outils très sophistiqués qui finissent toujours par le convaincre qu'il avait raison de stresser: "bien sûr, je l'savais, je vous l'avais dit ! Depuis le débuuuut !!!!!"
Parmi ces outils d'aide au stress en course, l'un d'entre eux prévu initialement pour la sécurité fait l'objet d'un drole de détournement: le fameux AIS (Automtic Identification System pour les intimes, dont font partie nos amis et collègues du mondes des avions... d'ailleurs je pense à eux presque tous les jours surtout ceux qui bossent au Maroc pendant que je m'amuse sur l'eau...)
Détournement donc ? Et oui car ce système anti-collision concu pour émettre un signal reçu par tous les navires sur mer ou avions dans les airs qui naviguent ou volent à proximité communique aussi la vitesse de l'émetteur... En régate, c'est très pratique pour savoir comment avancent les copains à proximité et donc particulièrement dans les molles où les phénomènes très locaux liés aux nuages jouent avec les nerfs de nos compétiteurs stréssés qui en appellent aux divinités célestes pour venir s'occuper de leur jeux de cours d'école sur l'eau: "Milles sabord, mais pourquoi ces foutus nuages s'arrêtent-t-ils toujours sur nous, regardes Loïc, tous les autres se barrent pendant que nous on reste scotchés là comme des c..."
Bref, c'est vraiment pénible les molles en navigation mais bon, quelquefois on a de bonnes surprises et on verra plus tard qu'à l'inverse, quand on déboule à pleine vitesse, le marin fier de lui a aussi souvent l'impression d'avoir été le seul à accomplir un tel exploit... Du coup dans la tête du marin en compétition, tenaillé entre son psychoteur caliméro et son fier à bras popeye, c'est souvent un drole et sacré chantier...
Heureusement, pour retrouver son équilibre et oublier son stress, de temps en temps notre marin en course profite des surprises que dame nature veut bien lui offrir: comme les oiseaux sont rares au large et que le gibier de nos campagnes ne nage pas jusque là sans brassière, il lui reste ce qui vit sous la mer: hélas, en course, la plongée sous-marine reste une occupation limitée au ponton pour le nettoyage des carènes... Pour le large il ne reste que 3 diversions: les poissons volants, les dauphins et les baleines... et une 4ème que je garde pour la suite lorsque nous longerons les cotes portuguaises.
Je passe sur les poissons volant qui viennent de temps en temps s'écraser d'un petit splash sur le pont... Communication difficile avec cette espèces, juste la petite émotion d'un possible friture pour marin très affamé...
En revanche, la rencontre du dauphin, quoique banale sous nos lattitudes reste un moment si particulier qu'il ne laisse jamais indifférent: incroyable être marin de compagnie qui se déplace en bande, recherche la présence de l'être humain et joue avec lui selon son humeur et celle de celui qu'il rencontre... Moments sympathiques quasi-quotidiens dont on ne se lasse jamais, émouvants parfois tant la communication parait possible avec cette espèce, ce que nous avons vécu avant-hier avec de petits gabarits au large de Groix , hier avec une troupe très nombreuse de tailles conséquentes en plein milieu du Golfe de Gascogne.
Enfin, heureusement rare mais impressionnante, la baleine aime bien venir taquiner le marin en course de temps en temps et les souvenirs ne sont pas toujours très bons: on se rappelle d'un concurrent de notre Transquadra précédente il y a 10 ans dont le bateau avait été percuté par une baleine en plein milieu de l'atlantique, bilan: chute du skipper solitaire sur le pont et fracture du coccis, le dernier millier de miles a été long et douloureux... Anecdote improbable: son bateau s'appelait la baleine blanche et un joli dessin de baleine ornait les 2 flancs de sa coque !
Quant à nous hier, celle que nous avons rencontré est sortie de l'eau à 30 m du bateau, impressionnante et magnifique, elle a replongé immédiatement. Juste le temps de virer de bord pour s'en éloigner car nous avions cette drole d'histoire en tête et donc pas vraiment motivés pour tenter de lui faire causette !
Pour revenir à la course, la première moitié de la nuit nous a vu continuer comme toute la journée à nous débattre avec les molles jusqu'à la bonne surprise du milieu de nuit vers 2H du matin où un bon vent de 12 à 20 noeuds bien orienté par l'arrière de notre cap sud-ouest s'est levé soudainement sans avoir été vraiment prévu par nos fichiers météo. Du coup, on a sorti notre arme fatale habituelle: le fameux et légendaire "code 5" de Coeur de Chauffe. Avant notre première transat, cette voile supposée magique achetée à grand frais au sorcier Incidence de La Rochelle n'avait jamais servi, ou presque: jamais trouvé les bonnes conditions, aussitot sorti, aussitot rentré parceque trop de vent, pas assez, pas le bon angle, bref, une belle arme très chère à entretenir qui se laisse désirer sans jamais se donner (note d'Henri: toute ressemblance avec un autre type d'arme fatale existante ou ayant existé est bien évidemment totalement fortuite)...
La première véritable utilisation fut la bonne lors de la première transat en traversant le golfe de Gascogne: une nuit complète à poste et il nous avait permis de passer en bonne position le passage à niveau du cap Finistère ! Du coup depuis, on sait s'en servir et ce fut le cas cette nuit et ce matin et dans le même contexte: conditions idéales 12-20 noeuds de vent et 90-110 degré du vent. Sur une mer plate, il nous a emmené Coeur de Chauffe à grande vitesse touute la nuit et permis de rattrapper les dégats des calmes de la veille, ouf !
Fin de l'histoire à suivre sur le long bord de reaching qui va nous mener au Cap Finistère et son fameux passage à niveau: la garder le plus longtemps possible avec un angle de vent réduit pour tout le monde peut faire une différence...
Loïc et Henri pour Coeur de Chauffe

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